Pierre Henri Heurté

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Pierre Henri Heurté
Game Designer
  • City:
    Bordeaux
  • Age:
    31
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  • Programming
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Projet de manette Panic Controller : Design (1/3)

Le potentiomètre, un composant électronique mis de côté

Le potentiomètre

Le contrôle par potentiomètre se retrouve sur des ustensiles du quotidien comme sur les contrôleurs MIDI ou, plus dans des domaines plus éloignés de l’informatique, sur les gazinières et les radiateurs. Il fut employé pendant une période dans le design des périphériques de jeux vidéo mais a été éclipsé pour les raisons que nous allons élucider dans cet article.

Techniquement, il s’agit d’un bouton tournant à résistance variable entre deux points extrêmes. Ces deux extrémités laissent une liberté de rotation d’environ 300°. Tourner le bouton dans un sens ou dans l’autre revient à diminuer ou augmenter la valeur de la résistance du circuit, cette valeur est ensuite traduite en valeur numérique exploitable par un programme informatique. De sorte que le potentiomètre fournit au programme une valeur numérique dans un domaine de valeurs numériques possibles.

Bref historique du bouton tournant sur les contrôleurs de jeu

Dès 1977, Atari commercialisait la manette « Paddle » pour sa console, l’Atari 2600. Ce périphérique de jeu disposait en plus d’une gâchette sur la tranche d’un bouton tournant (renfermant un potentiomètre) sur le dessus de la coque. Le bouton était utilisé par les game designers de l’époque comme dispositif de déplacement par positionnement absolu, c’est-à-dire que le degré de rotation du bouton tournant contrôlait directement la position du personnage à l’écran, et ce dans la majorité de son catalogue de jeu. Utilisé de cette manière, le bouton tournant avait de nombreux défauts : les positionnements possibles d’un personnage était réduit à une seule dimension, qui plus est limitée aux deux bornes extrêmes d’un segment. De la même manière, la manette pour PlayStation « Jogcon » (1998) de Namco proposait un contrôle par bouton tournant, celui-ci fut employé comme volant pour remplacer le Joystick dans deux jeux, il était là encore utilisé pour le déplacement d’un personnage ou d’un véhicule.

 

C’est cette utilisation mal inspirée du potentiomètre qui a justifié son remplacement ultérieur par d’autres commandes qui remplaçaient la logique de positionnement par une logique de déplacement : les « D-Pad » (croix directionnelles) et les « Joystick » (sticks directionnels) pour un déplacement incrémentiel qui rendait le mouvement plus précis, plus proche de la logique humaine, en permettant de contrôler la vitesse de déplacement et l’étendait à deux dimensions. Cette substitution entraîna l’obsolescence du bouton tournant et sa disparition durable des manettes de jeu.

Remettre des boutons tournants sur les manettes

Un autre emploi du bouton tournant

Il nous semble donc que la disparition du bouton tournant des contrôleurs de jeu n’était pas due à une incompatibilité fondamentale avec les jeux vidéo mais avec le type de jeux qui y étaient conjointement développés; précisément ceux qui font usage du principe de positionnement par valeur absolue, que ce soit celui d’un personnage ou d’une caméra. Or, il est facile de développer des jeux adaptés pour un contrôle par boutons tournants. Celui-ci peut par exemple être utilisé pour des contrôles de débit : la valeur d’une grandeur physique en fonction du temps.

Augmenter le nombre de boutons tournants

Le gameplay reposera donc de base sur le dosage en temps réel de quantités mesurables. Afin d’en manipuler plus d’une à  la fois, nous optons pour un contrôle à quatre boutons tournants. Cette disposition a l’avantage de rester générique et de s’adapter à une large variété de gameplays qui seront développés ultérieurement. Ainsi, notre manette offre un bon compromis entre l’aspect complexe et spécifique des boutons tournants d’un panneau de commandes industriel et le caractère volontairement abstrait d’une manette de jeu.

Activité des bras pour naviguer entre les boutons

Avec ses deux mains, le joueur ne pourra régler que deux boutons à la fois sur les quatre au total. La logique de la manette exige donc du joueur qu’il garde les bras en mouvement tout au long du jeu, pour saisir le bouton dont il a besoin à chaque moment donné. C’est une capacité que le joueur devra développer qui ajoute une dimension proprioceptive aux contrôle du jeu.

Cette manière de jouer légèrement plus physique qu’avec une manette tenue entre les mains n’en est pas nécessairement plus fatigante physiquement, du fait que le joueur ne reste pas les mains crispées sur une manette. Et contrairement à des commandes uniquement basées sur des boutons poussoirs, une erreur de manipulation d’un bouton tournant n’est pas rédhibitoire et reste rattrapable par un réajustement. Le jeu n’en est que moins frustrant pour le joueur.

Ajout de boutons poussoirs pour les fonctions secondaires

En plus des quatre boutons tournants, nous élargissons les contrôles à deux boutons poussoirs. En premier lieu pour assurer des fonctions essentielles en dehors du gameplay ; comme celles d’ouvrir les menus d’options, de mettre le jeu en pause ou d’en sortir. Et en second lieu, pour permettre l’exécution d’actions de jeu immédiates ou urgentes.

Directions ergonomiques pour la manette

Pour coller à cette idée de tableau de commandes auparavant mentionnée, il convient de s’éloigner du design des manettes moulées pour les paumes des mains et s’orienter vers un design plus arcade.

La manette est posée sur les genoux ou sur un support

Puisque la manette dispose de quatre boutons tournants et qu’il faut une main entière pour en actionner un seul d’entre eux, il est évident que la manette ne pourra pas être tenue en mains par le joueur. Elle sera posée, sur un support de mobilier ou sur les genoux, légèrement incliné vers le joueur. Quant aux boutons, ils seront tous disposés sur une même surface plane, les boutons tournants seront disposés en arc-de-cercle pour qu’aucun ne soit plus difficile à atteindre qu’un autre. Nous nous assurerons aussi que la manette soit suffisamment large et les boutons tournants suffisamment espacés pour que le joueur puisse les tourner individuellement sans risquer de déséquilibrer les autres par erreur.

Des boutons poussoirs de type champignon

Puisque le joueur ne gardera pas les mains en contact permanent avec les boutons de la manette, les boutons poussoirs devront être particulièrement volumineux pour qu’il puisse les atteindre et les actionner rapidement. C’est pourquoi nous nous orienterons vers des boutons poussoir de type champignon, surélevés et assez solides pour être frappé plutôt que pressé. Ce qui permet leur actionnement en un temps plutôt qu’en deux, en supprimant la phase de reconnaissance tactile avant la pression. Ce type de bouton est en accord avec l’esprit « tableau de commandes » de la manette.

Plus ergonomique qu’un tableau de commandes

Toutefois, contrairement à un tableau de commandes, une manette de jeu est actionnée en continu. Il faut donc que les boutons soient agréables à l’œil et au toucher. On prêtera une attention particulière au choix de la forme des boutons tournants et aux possibilités qu’ils offrent pour les manipuler : par la tranche ou par l’anse. En plus d’offrir une saisie en pinçant à deux doigts le contour du bouton, ils devront offrir une poignée allongée que le joueur puisse pincer pour plus de précision. Deux niveaux de précision sont ainsi disponibles selon celui exigé par l’action du jeu en cours. En plus de ce gain de précision, la forme allongée de la poignée, comme si le plastique du bouton était déjà pincé, donne au joueur l’envie de saisir les boutons et respecte ainsi le principe d’affordance.

Mock-up de la manette

Notre manette recouvre donc un ensemble de caractéristiques que l’on récapitule ici :

  • Elle dispose de 4 boutons tournants et de 2 boutons poussoirs volumineux de type champignon
  • Elle se pose, sur les genoux ou sur un support de table.
  • Tous les boutons sont sur une surface plane, légèrement incliné par rapport à l’horizontale.
  • Les boutons tournants sont disposés en arc de cercle plutôt qu’en ligne.

Et voilà son mock-up réalisé avec Photoshop :

Après avoir dressé son portrait robot, la prochaine étape sera consacrée à la construction de son prototype. Ce qui fera l’objet du prochain article.